Le contrat de travail face aux évolutions de l’activité des cabinets et cliniques vétérinaires : quelle marge de manœuvres pour ces derniers ?
Le précédent article traitait des basiques du contrat de travail du personnel salarié (hors vétérinaires praticiens) en cabinets ou cliniques vétérinaires.
En synthèse, le principal objet d’un contrat de travail est de fixer « les règles du jeu » et de déterminer ce qui est attendu du salarié et à quelles conditions pour lui.
Fixer les règles au départ est certes indispensable mais la suite dans « la vraie vie » évolue, les besoins des cabinets et cliniques peuvent changer, se transformer, les exigences peuvent varier, etc.
Dans ce contexte, de quelle souplesse, de quelle flexibilité bénéficie l’employeur qui doit s’adapter pour satisfaire ses clients et pour assurer la pérennité de son activité ?
Jusqu’où peut-il aller ?
De l’autre côté, jusqu’où le salarié peut s’opposer, manifester son désaccord sans pour autant être dans une situation d’insubordination ?
Le droit du travail et la pratique de celui-ci apportent heureusement quelques solutions qu’il faut avoir présentes à l’esprit.
L’employeur bénéficie en effet de quelques outils afin de concilier l’intérêt de sa Clinique ou de son Cabinet (qui évolue, modifie ses structures et ses systèmes d’organisation afin de s’adapter aux évolutions des marchés concurrentiels), et la protection des droits des salariés et in fine des animaux !
Parmi ces outils, il y a « la modification du contrat du contrat de travail » (1 et 2) qui est soumise à l’agrément du salarié mais il existe cependant une alternative qui est le simple « changement des conditions de travail » qui lui s’impose au salarié (3).
Quelques explications :
- Oui, le contrat de travail peut être modifié
Il faut rappeler un principe de bon sens qui est parfois oublié : il n’y aura modification que si finalement l’employeur et le salarié se mettent d’accord sur lesdites modifications, lesquelles seront donc consignées dans un avenant au contrat de travail.
La conséquence est la suivante : l’employeur ne peut que proposer et non imposer une modification du contrat du travail.
Constituent des modifications du contrat du travail, celles qui portent sur un élément essentiel tel que :
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- Les fonctions et la qualification (aménagement/diminution des responsabilités et des prérogatives du salarié ; perte de la fonction d’encadrement etc.),
- La rémunération (augmentation/diminution mais aussi modification dans la structure de la rémunération en changeant la répartition entre fixe et variable ; nouveau calcul pour les primes, etc.)
- La durée du travail (réduction du temps de travail, passage d’un horaire fixe à un horaire variant chaque semaine selon un cycle ; passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit etc.) ; Le lieu de travail hors du bassin d’emploi initial par exemple.
- Non, le salarié n’est pas obligé d’accepter la modification de son contrat de travail
Jamais puisque justement elle porte sur un élément essentiel du contrat de travail que le salarié avait accepté à l’origine de son embauche.
La question pratique pour l’employeur est donc la suivante : est-ce que le salarié va accepter une modification de son contrat de travail ?
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- Si oui, un avenant est signé et le contrat de travail se poursuit aux nouvelles conditions (nouvelles fonctions, nouvelles responsabilités, etc.).
- Si non, c’est le statu quo et peut-être même une situation de blocage pour l’entreprise car le refus de signer un avenant n’est jamais une faute pouvant justifier un licenciement (sauf l’exception d’un licenciement économique mais dont les conditions sont très limitatives).
- Une alternative : le « changement des conditions de travail »
Le contrat de travail écrit est en quelque sorte « gravé dans le marbre » ce qui est en contradiction avec la vie de l’entreprise qui est en constante évolution et qui doit faire face à un marché en mouvement.
Pour contourner cette situation, la solution se trouve dans le pouvoir de direction de l’employeur qui va, et même doit, disposer de marges de manœuvres pour s’adapter à son environnement.
Ainsi, pour satisfaire aux intérêts légitimes de l’entreprise, l’employeur a le pouvoir de procéder à « des changements des conditions de travail » qui, elles, s’imposent au salarié (à l’exception toutefois des salariés qui ont un mandat de représentant du personnel).
Par changements des conditions de travail, on vise tout ce qui n’est pas l’essentiel du contrat de travail (ce qui est rappelé dans le §1 ci-dessus), tels que par exemple des changements portant sur :
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- l’organisation et les méthodes de travail (nouveaux outils, nouveaux logiciels, reporting différent, etc.)
- les heures d’arrivée et de sortie (hors passage à un travail de nuit ou le we)
- le lieu de travail si le nouveau est dans le périmètre du bassin d’emploi où se trouve l’entreprise,
- etc.
Dans ce cas, le salarié se met en faute s’il refuse un changement de ses conditions de travail qui peut aller jusqu’à son licenciement.
Conclusion :
3 points de vigilance doivent en pratique être respectés :
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- Avoir une nécessaire attention sur la rédaction du contrat de travail et de ses éventuels avenants et toujours s’inscrire dans la perspective que dans la « vraie vie », il y aura des évolutions à prendre en compte. C’était l’objet de notre premier article.
- Connaitre les conséquences à proposer un avenant à un salarié : s’il refuse, ce qui est toujours possible, la situation est bloquée et l’employeur doit donc renoncer à ce qu’il souhaitait mettre en œuvre (toujours sous la réserve de l’hypothèse particulière d’une modification justifiée par des difficultés économiques au sens légal du terme).
- Donc au final, s’interroger en amont pour savoir s’il s’agit d’une modification du contrat de travail (avec les conséquences visées en 2) ou s’il s’agit d’un simple changement des conditions de travail qui s’impose au salarié.
La différence entre « modification du contrat de travail » et « changement des conditions de travail » est un travail de qualification juridique qui fait l’objet d’une casuistique subtile et complexe mais dont les grands principes ont ici dans le cadre de ce court article, été résumés et synthétisés.
Violette THIRY & Pierre-Jacques CASTANET
Avocats, In Extenso Avocats,
18 septembre 2022