Entre l’exercice quotidien du métier de soignant et les responsabilités qui incombent au gérant, la vocation de vétérinaire peut s’avérer particulièrement chronophage lorsqu’on est dirigeant.e ou associé.e d’une clinique. Pour une gestion optimale de l’activité, mais aussi pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, bien gérer son temps est clé. Voici quelques conseils pour que votre agenda ne déborde plus.
Identifier et gérer ses priorités
La première chose à faire si vous souhaitez optimiser votre temps, c’est mettre à plat tout ce que vous faites au quotidien dans votre clinique. Il s’agit là de comptabiliser le temps passé en consultation, mais aussi celui consacré au management de votre équipe, à la gestion administrative, au recrutement, à la formation de vos collaborateurs, à la gestion de vos fournisseurs, au développement de votre clinique… En listant toutes vos tâches pendant a minima une semaine, voire plusieurs, vous aurez la matière nécessaire pour faire le point de manière éclairée.
Isolez alors les tâches qui ne peuvent être accomplies que par vous (certains actes, les rendez-vous avec le comptable, les décisions liées au développement…), celles qui peuvent être déléguées à votre équipe (le planning, certains soins, des commandes…), et celles que vous pouvez sous-traiter (la gestion de votre parc informatique, la communication…).
Enfin, parmi les tâches qui doivent rester dans votre périmètre, classez-les selon leur degré d’urgence et d’importance, en vous inspirant par exemple de la Matrice Eisenhower. Cela aura au moins deux avantages : ne rien laisser d’important ni de stratégique de côté, et pouvoir définir sereinement l’ordre des tâches à accomplir, par vous et par votre équipe.
Planifier les tâches à accomplir
Après avoir fait ce travail d’identification et de priorisation, évaluez le nombre d’heures que chacune des tâches vous prend habituellement et sacralisez des plages horaires dans votre agenda pour les réaliser. Vous pouvez morceler les tâches lourdes, que vous pouvez habituellement avoir tendance à repousser car elles demandent de bloquer trop de temps. Il est également possible de séquencer vos journées : traitement des mails le matin, comptes rendus pour les clients en fin d’après-midi, avec des horaires précis. Si vous êtes adepte de la to-do list, qui est un bon outil de productivité, identifiez entre un et trois objectifs par jour, pas plus. Si c’est plutôt le rétroplanning qui peut être votre outil de prédilection, alors fixez vos propres échéances en vous assurant qu’elles sont atteignables. Le rétroplanning pourra bien sûr concerner les projets de votre équipe si vous déléguez.
Savoir déléguer
L’une des clés pour optimiser la gestion de votre temps en tant que dirigeant d’une clinique vétérinaire, c’est de déléguer tout ou partie de ce qui peut l’être. Idéalement, ne gardez à votre charge que les tâches dont vous seul pouvez vous occuper. En la matière, il y a plusieurs points d’attention sur lesquels s’arrêter.
- Si vous déléguez une tâche à un membre de votre équipe, vous devrez d’abord vous assurer que la personne a le temps et les compétences pour l’absorber. Si cela n’est pas le cas, vous pourrez, sur la question du temps, adapter son agenda avec elle et, sur la question des compétences, lui proposer la formation adéquate.
- Ensuite il s’agira de valoriser cette personne, tant dans votre façon de communiquer avec elle, que dans le package salarial que vous pourriez lui proposer. Votre collaborateur ou collaboratrice appréciera légitimement une augmentation, une prime, un avantage… et la satisfaction d’une valeur ajoutée apportée à la clinique.
- Donnez dans tous les cas des objectifs clairs et précis, et idéalement assurez-vous qu’ils soient S.M.A.R.T : Spécifiques Mesurables Atteignables Réalistes et Temporellement définis.
- Déléguer demande évidemment d’avoir confiance en la capacité qu’a votre équipe à réaliser une partie de vos tâches habituellement réservées. Il faut accepter l’idée que les choses ne seront pas forcément faites comme vous les auriez faites vous-même (au moins au début), ne pas être dans une forme de contrôle trop fréquent, prévoir un brief clair et un temps de débriefing.
Gérer les imprévus
Enfin, c’est inévitable, dans votre activité, vous connaissez des imprévus ! Pour éviter les journées de travail qui s’allongent et un éventuel empiètement sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, il est important d’anticiper ces impondérables : un temps de consultation plus long que d’habitude, un souci sur votre logiciel métier qui vous empêche d’avancer au moment où vous l’aviez décidé, un vétérinaire ou un ASV absent… Pour pallier plus sereinement cela, ne surchargez pas votre agenda quotidien. Évitez de prévoir trop de tâches urgentes dans la même journée, et idéalement bloquez du temps non alloué dans votre planning. S’il y a effectivement un imprévu, cela vous permettra de l’absorber. S’il n’y en a pas, vous pourrez éventuellement prendre de l’avance sur d’autres tâches. Un Graal pas impossible à conquérir.
3 questions à Delphine Doctrinal-Creton, vétérinaire associée d’une clinique généraliste en pratique canine exclusive, Présidente d’un centre d’imagerie scanner vétérinaire, et vétérinaire conseil du groupe Smartemis.
Comment arrivez-vous à sécuriser du temps pour votre fonction de gérante ?
Delphine Doctrinal-Creton : Nous avons la chance, au sein de la clinique dans laquelle j’exerce, d’être trois associées. Chaque début d’année, nous avons pris l’habitude de nous répartir les tâches administratives et de gestion. Nous estimons le nombre d’heures que cela va représenter chaque mois. Une des associées a choisi d’étaler ses tâches sur la semaine. Une autre associée et moi-même avons plutôt opté pour la sacralisation d’un temps sur notre l’emploi du temps pour la gestion administrative de la clinique. Cela implique qu’une demi-journée par semaine environ, nous sommes dans le bureau de comptabilité avec un disque à l’entrée qui indique si l’on peut être dérangée ou non. Cela permet, me concernant, de sécuriser du temps pour la gestion, et d’optimiser ce temps. Nous avons chacune par ailleurs deux à quatre heures prises sur notre temps libre pour des tâches qui peuvent être faites hors site : passer certaines commandes, aller à la banque, à la déchetterie… Nous allons bientôt migrer vers une solution SaaS pour notre logiciel métier qui nous permettra de faire davantage de travail hors de la clinique, pour ne conserver à la clinique que les tâches pour lesquelles nous avons besoin d’échanger avec nos collaboratrices.
Quels conseils donneriez-vous pour mieux prioriser stratégique, important, non urgent ?
D.D-C : Il y a effectivement des degrés d’urgence et des degrés d’importance dans le travail de gestion d’une clinique vétérinaire. Idéalement, il ne faut rien laisser de côté. Outre l’administratif (les salaires, les commandes, les plannings…), qui sont souvent des tâches qui ne peuvent attendre, il faut préserver du temps pour ce qui est moins urgent, mais stratégique : les comptes, le prévisionnel, la mise en œuvre d’une stratégie de développement à long terme, l’équipe et le management, les investissements, la comparaison de devis… Pour ne rien laisser de côté, je dirais qu’il faut établir, avec l’aide éventuelle d’outils numériques, une liste des différentes tâches et les hiérarchiser.
Ensuite il y a l’organisation. Dans ma clinique, nous fonctionnons de la manière suivante : pendant nos comités de direction, une associée se saisit d’un dossier. S’il est important, elle le traite rapidement. Lorsque nous nous réunissons à nouveau, elle restitue les conclusions de son étude et nous prenons une décision collégiale. Cela évite que nous soyons plusieurs à gérer le même dossier. Des projets comme Smartemis sont intéressants sur ce sujet car ils apportent des fonctions support à qui il est possible de déléguer des tâches administratives pour mieux mettre en lumière ce qui est important en termes de stratégie. Ils apportent par ailleurs des conseils (en comptabilité, gestion financière, en RH, en juridique, en stratégie de développement, marketing, communication, etc).
Selon vous, quelles sont les clés pour déléguer à votre équipe ?
D.D-C : Il faut déjà proposer la bonne tâche à la bonne personne. Ensuite il me semble important de proposer des tâches qui soient intéressantes et surtout de valoriser les collaborateurs et collaboratrices par rapport à cette tâche. Dans le calcul de leur prime annuelle, nos collaboratrices ont une prime qui est fixée sur certains objectifs. Je trouve assez sain de dire à quelqu’un, qui fait les plannings par exemple, que c’est grâce à lui ou à elle que nous travaillons bien tous ensemble, que si le stock de croquettes est bien géré, cela augmente la satisfaction client, et que cela n’a pas de prix. Ça peut être aussi une incitation par une montée en compétences, via une formation. Il y a évidemment aussi des choses qui ne peuvent pas être déléguées car elles sont de l’ordre de la stratégie de développement de l’entreprise ou de la responsabilité de l’associé : être l’interface de l’expert-comptable, le management, la banque, changer nos outils de travail et nos équipement, etc…